La joie chrétienne : quand Dieu comble notre coeur !

« Soyez toujours dans la joie » exhorte saint Paul aux fidèles de Philippes1. Quelle est  cette joie typiquement chrétienne dont il parle ? Comment comprendre cette invitation à la lumière de la foi ? Voici quelques éléments de réponse… qui pourront nous réjouir !

 

La joie est la surabondance de l’amour. Et comme Dieu est tout Amour, la joie qui vient de lui est la plus grande qu’il est possible de vivre.

 

La joie chrétienne est bien différente du plaisir futile et superficiel éprouvé parfois en mangeant du chocolat ou allongé dans un transat au cours d’une croisade en Méditerranée. Comme le réaffirme le pape François, « la joie chrétienne n’est pas de vivre d’éclats de rire en éclats de rire »2 non plus. C’est une joie spirituelle profonde et durable. Le père François Potez parlait d’une « grave allégresse », c’est-à-dire d’une joie sérieuse, justifiée. Celle-ci, nous la cherchons tous puisqu’en notre cœur est imprimée une aspiration à la trouver : « l’homme est né pour la joie » (Pascal)3.

 

Aux sources de la joie

La joie chrétienne trouve tout d’abord son origine dans la certitude de l’amour de Dieu. En effet, Dieu nous a créés par amour et continue à prodiguer sa tendresse au long des jours. Comme l’explique saint Thomas d’Aquin en affirmant que la joie est la surabondance de l’amour4, le fait d’être aimé infiniment réjouit le cœur humain. De surcroît, le salut est déjà accordé : par sa mort et sa Résurrection, le Christ nous a libérés du péché et de la mort. Désormais, par la rédemption du baptême, la vie éternelle est déjà commencé ; le meilleur est devant nous ! C’est l’éternité bienheureuse qui nous attend. Dès lors, «la vie que Dieu donne à l’homme est bien plus qu’une existence dans le temps, c’est une tension vers une plénitude de vie » (Jean Paul II)5. Le peuple de Dieu tire donc sa joie du mystère pascal, c’est pourquoi, comme l’écrivait Bernanos, « le secret du christianisme, c’est la joie, la joie sans précédent et sans équivalent de Pâques » »6.

La foi chrétienne donne donc des raisons de se réjouir. En témoigne le récit apostolique de la conversion du geôlier : « Il laissa déborder sa joie de croire » (Ac 16, 34). Cette joie de croire rassemble conjointement la joie de la Bonne Nouvelle, celle de la vérité pour laquelle nous sommes faits ainsi que la joie du choix de Dieu, autrement dit celle du combat, car elle vient, par essence, de la connaissance et de la possession d’un bien aimé7, et donc a fortiori de celle du Bien Suprême, Dieu.

 

À l’épreuve de l’existence humaine

La grandeur de la joie chrétienne ne fait pas pour autant perdre leur valeur aux joies quotidiennes. Au contraire, comme l’a exprimé le magistère, « les humbles joies humaines qui sont dans nos vies comme les semences d’une réalité plus hautes sont transfigurées »8 et « ces dernières sont exaltées »9 par la joie chrétienne.

D’un autre côté, cette joie semble pouvoir être engloutie par la tristesse des peines humaines. Cependant, le témoignage de saint Paul qui déclare « je déborde de joie au milieu de toutes mes détresses »10 nous montre que la joie chrétienne résiste aux épreuves, parce qu’en réalité, elle n’est pas toujours étrangère à la souffrance. Effectivement, « la joie chrétienne à une caractéristique unique, celle de pouvoir cohabiter avec la souffrance » (Jean Paul II)11. En cela consiste son paradoxe.

En effet, si la joie chrétienne trouve son origine dans le mystère pascal, alors elle est nécessairement liée à celui de la Croix. C’est la raison pour laquelle, on pourrait la comparer parfois à la joie de l’enfantement : la joie de mettre au monde passe toujours par les douleurs de l’accouchement. L’exemple des saints est révélateur à ce sujet. Pour n’en prendre qu’un seul, le bienheureux Pier Giorgio Frassati (1901-1925) écrivait, alors même qu’il traversait une épreuve douloureuse : « Tu me demandes si je suis joyeux. Comment pourrais-je ne pas l’être ? Tant que la foi me donnera la force, je serai toujours joyeux ! Chaque catholique ne peut pas ne pas être joyeux (…) Le but pour lequel nous sommes créés nous indique la voie parsemée aussi de multiples épines, mais non une voie triste : elle est joie même à travers la souffrance »12.

 

La joie, don de Dieu

 Mais, si la joie chrétienne dépasse toute tristesse humaine c’est parce qu’elle trouve sa source en Dieu lui-même. « La joie de notre cœur vient de lui »13 dit le psalmiste. Puisque la joie chrétienne n’est pas une construction humaine, elle ne dépend pas des circonstances : elle est donnée. C’est par l’abandon à Dieu que se déploie ce don de l’Esprit-Saint. C’est pourquoi Jésus déclare : « Votre joie, personne ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 22). La joie chrétienne est donc une participation à la joie divine et plus particulièrement à la joie qui est au cœur du Christ glorifié. Elle est capable de combler pleinement le cœur de l’homme. Une jeune fille gersoise du siècle dernier est entrée de manière puissante dans le mystère de la joie : Claire de Castelbajac, dont la cause en béatification est en cours d’instruction, écrivait à vingt-et-un ans que « la joie des enfants de Dieu c’est quand Dieu prend plus de place dans ton âme que tout le côté humain et désespérant »14.

La condition de cette joie est donc l’amour de Dieu et l’abandon total et confiant à Lui. Dès lors, nous pouvons comprendre le témoignage de sainte Thérèse de Lisieux qui explique que c’est « accomplir la volonté du Seigneur qui fait toute [sa] joie ». Répondre par amour par notre vocation à l’amour dont Dieu nous comble, voilà ce qui nous ouvre à la vraie joie. Cette joie donnée et reçue devient alors pour l’homme un moyen de rendre gloire à Dieu. De même que l’enfant joyeux fait l’allégresse de ses parents, ainsi les fils de l’Église qui se réjouissent rendent gloire à Dieu car « Dieu aime celui qui donne joyeusement »15. D’où l’invitation du Rédempteur : « Que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 11).

 

Une dimension ecclésiale et sacramentelle

 Cette joie est destinée à être vécue au sein de l’Église, de l’Église domestique, la famille, jusqu’à l’échelle de l’Église universelle. Car elle « a pour vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure » (Benoît XVI)16. Ainsi, les baptisés s’unissent à la joie de l’Épouse qui « éclate en cris de joie »17 par son union au Christ. Bernanos écrivait que « le contraire d’un peuple chrétien, c’est un peuple triste »18 car c’est la joie du peuple de Dieu tout entier qui rayonne.

Si la joie chrétienne est aussi intrinsèquement liée à l’Église, c’est aussi parce que c’est en son sein que les sacrements sont prodigués. Dans les sacrements, en effet, la grâce de Dieu est tout particulièrement donnée en abondance, source de notre joie. Par ailleurs, l’Église nous introduit au cœur de la liturgie qui est « par excellence le lieu où s’exprime cette joie que l’Église puise dans le Seigneur et transmet au monde »19. La joie chrétienne est donc nécessairement vécue au cœur de la communauté des baptisés, celle de chacun d’entre eux participant à celle de l’Église et cette dernière la communiquant à ses fils.

 

Ainsi, ce qui nous comble en plénitude et durablement, c’est la joie que nous recevons de Dieu en s’abandonnant à Lui et en s’ouvrant à sa Vie. Cette joie est prémice de la joie éternelle qui nous attend dans l’éternité, avant-goût des biens futurs. Mais, dès à présent, elle est donnée afin « qu’éclate partout la joie du monde [et] qu’éclate dans l’Église la joie des fils de Dieu » »20.

 

Claire Lethu

 

Ph 4, 4

2 Pape François, Méditation matinale en la chapelle de la maison Sainte-Marthe : La joie chrétienne (28 mai 2018)

3 Blaise Pascal, Discours sur les passions de l’amour, 1652

4 St Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa-IIae

5 Jean-Paul II, Evangelium Vitae, n°34 (25 mars 1995)

6 Georges Bernanos, cité dans Citations chrétiennes, Philippe Engelhard

7 St Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, q.31, a. 3.

8 Paul VI, Gaudete in Domino, n°42 (9 mai 1975)

9 Jean Paul II, Dies Domini, n°58 (31 mai 1998)

10 Ac 7, 4

11 Jean Paul II, Angélus du 14 décembre 2003, n°3

12 Pier Giorgio Frassati, Lettre à sa sœur Luciana, Turin, 14 février 1925

13 Ps 32, 21

14 Claire de Castelbajac, lettre à une amie.

15 2 Co 9, 7

16 Message de Benoît XVI aux XXVIIèmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Madrid (2012)

17  Is 54, 1

18 Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

19 Message de Benoît XVI aux XXVIIèmes Journées Mondiales de la Jeunesse

20 Chant de l’Exultet, liturgie de la Veillée Pascale

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