Le carême, 40 jours pour ouvrir sa porte à Dieu

Privilégier l’être à l’avoir, préférer les biens spirituels aux biens matériels, partager généreusement, prier plus intensément… pour laisser davantage de place à Dieu dans sa vie. Voilà l’enjeu du Carême pour un chrétien ! Découvrons ce temps de 40 jours où les efforts consentis conduisent à une plus grande joie.

 

Le carême est un temps de prière, de pénitence et de partage, pour accueillir Dieu dans sa vie.

 

Qu’est-ce que le carême ?

C’est une période de 40 jours (+ les dimanches), située entre le mercredi des Cendres et la veille du dimanche de Pâques, durant laquelle les chrétiens cherchent à se rapprocher de Dieu par davantage de prière, de partage et d’efforts au quotidien.

 

 

D’où vient le carême ?

Les 40 jours du carême sont un écho aux 40 jours que Jésus a passé dans le désert. Les évangiles (en saint Matthieu, en saint Marc et en saint Luc) racontent comment le Christ a résisté aux tentations du diable lui promettant trompeusement honneur et pouvoir.

 

Dans la solitude du désert, Jésus rejette les propositions trompeuses de satan.

Les chrétiens des premiers siècles ont très tôt compris ceci : tout croyant doit vivre un « combat intérieur » pour laisser dans sa vie toute sa place à Dieu, lui qui ne demande qu’à nous combler bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Autrement dit, la « frontière » entre le bien et le mal n’est pas seulement dans le monde entre ceux qui cherchent à faire le bien et ceux qui font le mal. Non, cette « frontière » entre le bien et le mal est aussi à l’intérieur de tout être. C’est la conséquence du péché originel (cf le récit dans le Livre de la Genèse de la Bible, avec le péché d’Adam et Ève).

L’accueil et le choix du Bien, du Bon, du Vrai, du Juste, de l’Amour avec un grand A, sont tous les jours à vivre, bien sûr. Mais l’Église a voulu (au moins à partir du 4ème siècle) proposer un temps collectif où tous les croyants se mobilisent pour ce « combat spirituel » et s’encouragent mutuellement à grandir dans la sainteté. C’est tout l’intérêt du carême.

Ceux qui s’intéressent de près au carême compteront 46 jours entre le mercredi des Cendres et le Samedi Saint. Mais, traditionnellement, on soustrait les six dimanches pour arriver aux 40 jours. En réalité, les dimanches de carême sont, d’un point de vue liturgique, pleinement du carême (on y médite à la messe des grands textes de la Bible en lien avec cette période) même si l’ascèse y est moins forte. Le dimanche est en effet toujours un moment de joie : on y fête la résurrection du Seigneur !

 

 

Comment est organisé le carême ?

 

Le mercredi des Cendres

On commence par le mercredi des Cendres, jour de jeûne et d’abstinence. Le jeûne signifie qu’on mange peu (sauf les personnes âgées, les malades, les jeunes enfants). On veut, par là, signifier que les réalités spirituelles sont plus importantes que les réalités très matérielles. On prend particulièrement le temps de se tourner vers Dieu dans la prière et vers son prochain par des actions de partage. L’abstinence signifie que nous faisons, chacun, des efforts qui nous sont propres et qui nous coûtent : par exemple, se priver d’écrans si nous y sommes trop attachés ; consacrer plus de temps à une personne si nous sommes toujours pressés ; se concentrer sur son travail si l’on a l’habitude de se dissiper…

 

Les cendres sont « imposées » avec une petite croix, sur le front des fidèles. Ce rite est une invitation a laisser Dieu vivifier notre condition humaine faible, pécheresse et mortelle.

Lors de la messe d’entrée en carême, les fidèles s’avancent un à un devant l’autel pour être marqués au front par une croix, au moyen de cendres. Ces cendres, qui proviennent de la combustion des rameaux de l’année précédente, sont le signe de notre nature mortelle : à vue humaine effectivement, tout homme meurt et retourne à la terre pour finir en poussière. Les cendres sont faites pour nous rappeler que sans Dieu nous ne pouvons rien faire, que seul Dieu nous arrache à la mort définitive. Il nous propose la vie éternelle et bienheureuse ! Quand le prêtre dessine la croix sur le front, il prononce ces paroles : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ». Il donne ainsi le programme du carême : passer de la mort (que symbolise les cendres) à la Vie donnée par Dieu en Jésus-Christ, Sauveur par sa Croix.

 

Les vendredis de carême

Les vendredis du carême sont jours d’abstinence. Nous sommes donc invités à faire des efforts qui nous coûtent particulièrement. Autrefois, l’abstinence était traditionnellement la privation de viande (c’est pour cela qu’il y a la tradition du poisson le vendredi). Mais on sent bien que si on se prive de viande pour déguster de très bons fruits de mer, l’esprit du carême n’est pas là. L’objectif ne doit pas être perdu de vue : faire davantage de place à Dieu, par la prière, le partage, la pénitence.

Ces vendredis-là, les paroisses proposent souvent des temps de prière (adoration eucharistique…), de témoignages ou de partage. Participer à ces moments communautaires aide à la conversion personnelle.

 

Les dimanches de carême

En se retrouvant ensemble chaque dimanche à l’église, les chrétiens vont s’encourager sur le chemin de la conversion. On n’est pas tout seul à désirer devenir meilleur et à vouloir conformer nos vies à l’Amour de Dieu.

 

A la messe du dimanche des Rameaux, est commémorée l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem (ici, un vitrail dans une église britannique).

Le sixième dimanche de carême est appelé « dimanche des Rameaux et de la Passion ». Ce jour-là, est notamment célébrée l’entrée triomphale à Jérusalem de Jésus sur un ânon. Il est acclamé par la foule parce qu’il a fait des miracles, invité à la justice, donné de l’espoir aux pauvres. Il est acclamé parce qu’il est perçu comme le Messie annoncé par les prophètes, un Messie qui délivrerait le peuple juif de l’occupant romain. Mais la libération qu’est venue apporter Jésus, Fils de Dieu, dépasse de loin le seul horizon terrestre : il est venu ouvrir les portes de la vie éternelle aux hommes de bonne volonté, par delà la mort. On sait qu’il le prouvera peu de temps après, par son sacrifice sur la Croix.

 

Le Jeudi-Saint

Au cours de la dernière semaine de carême qu’on appelle la « Semaine sainte », deux jours ont une importance toute spéciale : le Jeudi-Saint et le Vendredi-saint. Le Jeudi-Saint correspond au début de la Pâque juive, et au premier repas (Sédèr) de cette fête, un repas familial. C’est ce soir-là que Jésus-Christ a lavé les pieds de ses disciples, se faisant le plus petit, le serviteur. Il a dit à ses apôtres : « Si moi, votre Seigneur et votre Maître, je vous ai lavé les pieds, combien plus devez-vous, vous aussi, vous laver les pieds les uns des autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Evangile selon Saint-Jean, chap. 13, verset 14 et 15). Le message est clair : celui de rester en tenue de service, de donner sa vie. En mémoire de ce geste, après l’homélie, le prêtre, lui aussi, lave les pieds de quelques personnes choisies dans l’assemblée. C’est un moment très beau et très fort quand on sait que, quelques heures plus tard, on commémore le don total de Jésus sur la croix.

Pendant le repas de Sédèr, Jésus a aussi a institué l’eucharistie. Il a dit à ses disciples en prenant le pain : « Prenez et mangez en tous, ceci est mon corps livré pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Pour les catholiques et les orthodoxes, ce commandement de Jésus, juste avant sa mort (et sa résurrection), est très important : le Christ, Fils de Dieu, a trouvé un moyen de se rendre proche tous les jours de la vie du monde par la consécration du pain opéré par les prêtres. Oui, de manière mystérieuse, Jésus se fait présent réellement dans le pain consacré ! Pendant la messe du Jeudi-Saint, l’assemblée célèbre spécialement cet immense cadeau.

 

Le Jeudi-Saint, les chrétiens font spécialement mémoire de l’institution de l’eucharistie par Jésus.

 

Le soir du Jeudi-Saint, les fidèles se rappellent aussi l’agonie de Jésus au Jardin des Oliviers. Il sait qu’il va être arrêté, qu’il sera injustement accusé, qu’il sera jugé, qu’il ne reniera pas la Bonne Nouvelle qu’il a annoncée, qu’il ne reniera pas sa divinité, qu’il offrira sa vie… Mais comme Jésus-Christ est, à la fois, vrai Dieu et vrai homme, il affronte lui aussi l’effroi devant la mort qui s’approche. La méditation sur l’agonie de Jésus permet de prendre toute la mesure de l’Amour du Christ, qui s’offre en victime pour nous pécheurs.

 

 

Le Vendredi-Saint

Le Vendredi-Saint, c’est le jour de la condamnation à mort de Jésus et sa mort infâme sur une Croix, traité comme un criminel. La vie terrestre de Jésus n’est faite que de bonté, de paroles apaisantes et libératrices, d’exhortations à plus d’amour. Certes ses propos sont parfois dérangeants pour les puissants, les guérisons qu’il opère sont stupéfiantes, mais Jésus est innocent de toute action malfaisante. Pourtant, il est crucifié.

Dans cette mort, les chrétiens y voient l’amour de Dieu qui n’a pas hésité, en Jésus-Christ, à prendre la condition humaine et à l’assumer jusqu’au bout, jusqu’au don total. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », a dit Jésus à ses disciples (Évangile selon Saint-Jean, chap.15, verset 13). Après le Vendredi-saint, nul ne peut dire : « Dieu ne peut pas comprendre ce que je vis ». Jésus-Christ, Fils de Dieu, est passé par l’injustice, la souffrance, la douleur physique et morale, par la mort. Et il est ressuscité ! C’est là, la consolation et l’espérance des chrétiens qui expérimentent la proximité de Dieu et son invitation à une vie éternelle de bonheur.

Lors de la célébration du Vendredi-Saint, les fidèles s’approchent d’une grande croix portée à leur vénération. Ils peuvent, par exemple, embrasser cette croix ou s’incliner devant elle. Ce geste (ou cette attitude de dévotion) est fait pour réaliser un peu mieux ce que le Christ a fait pour nous, et pour lui signifier notre immense reconnaissance.

 

 

 

Comment vivre un bon carême ?

 

L’esprit du carême n’est pas « administratif », « formel », « règlementaire ». J’ai coché telle case, j’ai fait tel jeûne, alors c’est bon, je suis quitte. Redisons-le, les privations, les performances ascétiques n’ont aucun intérêt en étant déconnectées du but ultime de la vie : vivre en amitié ici-bas avec Dieu, accueillir son pardon pour nos péchés, et accueillir la promesse de vie éternelle qu’il nous fait par Jésus-Christ. Tous les jours du carême, comme tous les jours de la vie, sont faits pour progresser dans l’Amour. Et quand on tombe sur le chemin, il faut se relever avec confiance.

Et quand les chrétiens évoquent le « combat intérieur », le « combat spirituel » qu’il faut mener, ils n’ont pas en tête une démarche volontariste, où l’on gagne son Ciel à la seule force du poignet. Même si la volonté n’en est pas absente, le « combat spirituel » consiste avant tout à accueillir la grâce de Dieu en nous, à le laisser agir en nous, à le laisser être notre force, notre bouclier, à lui faire confiance, à tout fonder sur son Amour, à désirer nous conformer à sa volonté parfaitement ajustée, parfaitement aimante. La prière, le partage et les actions de pénitence sont des attitudes concrètes pour manifester notre intention d’évoluer, pour renoncer au péché, pour nous tourner vers Dieu, pour accueillir son Salut (le salut, c’est le fait que Dieu veuille nous sauver, par pur amour). Nous faisons un pas, Dieu en fait 99. Autrement dit, le « combat spirituel » est, avant tout et principalement, le « combat » de Dieu en notre faveur… si nous y consentons.

 

 

 

Quelques spécificités du carême dans la liturgie

 

Durant le carême liturgique, les ornements du prêtre sont violets (le violet est couleur de pénitence). Il y a toutefois des exceptions :

Pour le quatrième dimanche de carême, appelé dimanche de Laetare (dimanche de la joie, parce que les lectures bibliques de la messe parlent de la joie), la couleur est le rose, c’est-à-dire un violet atténué, parce que l’on sent déjà la joie de la Résurrection !

Lors de la messe du « dimanche des Rameaux et de la Passion », les ornements sont rouges, parce qu’on y lit justement l’évangile de la Passion du Christ. Idem pour le Vendredi-Saint, jour du sacrifice total du Christ.

La veille, le Jeudi-saint, jour de l’institution de l’eucharistie et du sacerdoce, la couleur est le blanc.

 

Pendant les messes de carême, les fidèles ne chantent plus le Gloria, chant de louange à la gloire de Dieu. Ce n’est pas que Dieu ne mérite plus qu’on l’adore ! Non, ce petit changement liturgique est un moyen concret de prendre conscience du temps de pénitence qu’est le carême. Une exception toutefois lors de la messe du jeudi-Saint : l’institution de l’eucharistie mérite bien cela !

Toujours dans un esprit de pénitence, pendant le carême, l’acclamation de l’évangile ne se fait plus en chantant « Alléluia », cri d’exultation par excellence, mais par une acclamation plus sobre. Les fidèles attendent la nuit de Pâques pour laisser fuser les « Alléluia » dont ils ont été privés pendant 40 jours !

 

Toujours pour marquer l’austérité du temps du carême, et hors solennités (la Saint-Joseph le 19 mars, l’Annonciation le 25 mars, notamment), l’encens est évité. Les fleurs sont utilisées de manière modérée dans le chœur (pas de fleurs sur l’autel). Des exceptions, où les compositions florales peuvent prendre plus de place : le dimanche de Laetare et, bien sûr, le Jeudi-Saint. Pour le « dimanche des Rameaux et de la Passion », la décoration met plus spécialement en valeur la croix.

 

 

 

 

Des ressources pour bien vivre le carême

 

 

 

Sur Internet, la « retraite de carême » des dominicains

 

Les dominicains proposent chaque année des ressources pour le carême sur le site « retraite dans la ville ». On y trouve de quoi méditer la parole de Dieu, de recueillir, prier, tout cela depuis chez soi.

 

Des chants pour le carême

 

Seigneur, avec toi nous irons au désert

 

Tournez les yeux vers le Seigneur

 

Où sont amour et charité

 

Vers toi, j’élève mon âme

 

Ô prends mon âme

 

Notre Dieu s’est fait homme

 

 

 

Pour partager pendant le carême

 

Les œuvres, causes et initiatives qu’il est possible de soutenir pendant le carême sont si nombreuses qu’il est impossible d’en faire la liste.

Notons cependant la plateforme chrétienne de financement participatif, très intéressante, qui met en lumière des projets ayant besoin d’un coup de main financier. Il s’agit de Credofunding. Il y a de grandes chances que vous y trouviez de bonnes idées pour faire votre offrande de carême !

 

 

 

Parce que le carême est préparatoire à Pâques, n’hésitez pas à consulter notre article sur Pâques, la plus grande fête chrétienne.

 

 

Bertrand LETHU

Auteur du guide « Quinze secrets pour se relier à Dieu »

 

 

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