Pourquoi donner à la quête ?
La réponse se décline en 3 raisons fondamentales (qui bizarrement rejoignent les 3 directions de notre examen de conscience avant la confession) : Dieu, les autres et moi (si la parenthèse sur la confession ne vous parle pas, on pourra en reparler par ailleurs).
Je donne pour Dieu
C’est la raison fondamentale. Donner à la quête c’est un acte liturgique, par lequel je reconnais que tout vient de Dieu. «Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? » demande St Paul. « Nous avons reçu de ta bonté ces dons que nous te présentons », dit le prêtre à l’offertoire.
Je donne à la quête pour rendre grâces à Dieu, parce qu’il m’a tant donné. Je tiens de lui la vie. Je tiens de lui l’argent que je dépense (et qui me manque si souvent, aujourd’hui comme hier, au 21ème siècle comme à l’époque de Jésus-Christ). Je tiens de lui mon travail, ma famille, mes amis, ma maison, mes loisirs. Donner c’est d’abord un acte de gratitude envers le créateur.
Alors que pourrions nous donner en remerciement pour notre vie ? Nous sommes prêts à payer un babysitter pour passer une soirée chez des amis à qui nous apportons une bouteille ou un bouquet (« mais non, il ne fallait pas… non, mais ça nous fait plaisir »… tiens justement St Paul nous dit que cela doit nous faire plaisir de donner à Dieu). Et si le repas dominical était du même ordre ?
Combien faut-il donner à la quête ? ce que je donnerai à un ami… une bouteille, un bon rôti ou un bouquet de fleurs !
Donner à la quête c’est ainsi entrer dans l’acte de gratitude du Christ sauveur. La quête est au moment de l’offertoire parce qu’elle doit nous unir au don que le Christ fait de sa vie en reconnaissance à Dieu son Père qui lui donne tout. Et cela nous conduit naturellement à la 2nde raison de donner : je donne parce que c’est bon pour moi !
Je donne pour moi
Cela pourrait être très égoïste comme manière de voir « je donne pour moi », mais c’est justement l’inverse qu’il s’agit de faire. Je donne parce que cela me libère de mon égoïsme… et pas seulement, cela me libère de mes peurs face à l’avenir, de la tentation de tout contrôler dans ma vie, d’être le maître de mon existence.
Comme le bénédicité avant le repas, comme l’angélus qui m’interrompt dans mes activités ou la messe qui perturbe ma grasse matinée du dimanche, la quête me redit que Dieu est premier servi.
Ce n’est pas si évident que cela de donner, parce que consciemment ou non, je mesure tout ce à quoi je renonce. Je sais que la fin du mois sera difficile. Donner 1€ de plus à la quête par rapport à l’année dernière, c’est renoncer à 2 cigarettes par semaine (finalement ce n’est pas une mauvaise chose)… mais c’est aussi renoncer à des choses bien plus essentielles, pour moi et mes enfants.
C’est justement dans ce « coût » que réside l’intérêt de la quête. Aimer, cela nous coûte… comme on se lève la nuit pour un enfant qui pleure. C’est dans ce renoncement que nous pouvons dire à Dieu, je te préfère à mes projets, voire à mon nécessaire. C’est dans cette incertitude pour l’avenir que nous pouvons engager notre foi. Seigneur, je décide de te faire confiance, j’accepte de ne pas tout maîtriser, tout contrôler…
Le Christ nous invite à cette confiance lorsqu’il nous redit de ne pas nous soucier du vêtement ou de la nourriture. St Paul nous invite à cette confiance lorsqu’il nous dit de donner largement car Dieu fera largesse (il est bon de relire sur cette question le chapitre 9 de la 2ème lettre aux Corinthiens).
On dit souvent (et c’est un constat que j’ai vérifié bien des fois) que les plus pauvres sont ceux qui donnent le plus. Cela s’explique par une plus grande confiance dans la Providence. Ils font l’expérience que de toute façon, sans Dieu, ils n’y arriveront pas. Mais ceux qui gagnent un peu plus (sans être Crésus, qui cherchent simplement à épargner pour les études de leurs enfants, un mariage à venir, bref être responsables) sont plus souvent tentés de vouloir compter sur eux-mêmes… (la vie ne fait pas de cadeau, dit-on, il faut compter sur soi). Ce faisant, ils passent à côté de la confiance en Dieu. Ce n’est pas sans raison que la rencontre véritable avec Dieu se fait souvent lors d’une épreuve lourde, parce qu’elle nous dépouille enfin des fausses sécurités dans lesquelles nous nous sommes enfermés. (Je ne dis pas qu’il faut être irresponsable, et le Christ nous invite aussi à la sagesse… mais il redit aussi de celui qui enferme ses richesses dans un grenier pour être à l’abri du malheur jusqu’à la fin de sa vie que c’est un fou, car il mourra le soir-même ! cf. Lc 12, 13-21).
Combien faut-il donner à la quête ? un peu plus que ce que j’ai envie de donner, pour que cela me coûte réellement.
Je donne pour l’Eglise
C’est la troisième réponse à la question pourquoi je donne à la quête. Mais vous voyez qu’elle n’arrive qu’en 3ème position. Evidemment, l’Eglise, notre Eglise, ne peut remplir sa mission, si on ne la soutient pas. On présente parfois la règle des 3T : donner de son temps, de ses talents, de son trésor. Et les 3 sont importants : l’Eglise n’est pas un club de consommateurs, elle est notre famille. Nous sommes consacrés à Dieu par le baptême, donc notre temps, nos talents, notre trésor, lui sont consacrés.
L’évangile est gratuit… mais l’annoncer a un coût ! Il est donc certain que l’Eglise ne peut ni évangéliser, ni rendre un culte à Dieu, ni prendre soin de ceux que Dieu lui confie, si elle n’a pas les moyens humains et financiers de sa mission. Comme disait un curé: « bonne nouvelle, la paroisse a trouvé l’argent dont elle a besoin, mauvaise nouvelle, il est dans votre poche ! »
Dans l’Eglise catholique, à l’inverse de chez nos frères protestants, ce n’est pas la paroisse qui embauche son curé. On ne donne donc pas pour récompenser son curé (pas plus qu’on ne cesse son don pour le punir). En revanche, parce que je ne me contente pas de donner de l’argent, mais aussi du temps et des compétences (la fameuse règle des 3 T), je suis aussi acteur de la vie de l’Eglise et donc de ce à quoi servira cet argent (des nouveaux micros pour la chorale, des jouets en mousse pour que le coin enfants soit plus silencieux qu’avec des jouets en plastique, une nouvelle tondeuse pour la maison paroissiale, etc.).
Ce qui amène à se poser la question : à quoi sert concrètement l’argent donné par les fidèles ?
Je donne pour faire quoi ?
Quels sont les besoins réels de l’Eglise ? Ils sont variables d’une paroisse à l’autre, d’un diocèse à l’autre. Selon les diocèses, on vous dira peut-être que le denier paie la nourriture des prêtres et que la quête reste à la paroisse. C’était la manière de faire traditionnelle, mais de nombreux diocèses ont mutualisé les ressources, pour éviter qu’une paroisse ne se trouve dans le rouge ou qu’il y ait des disparités de traitement entre les prêtres d’un même diocèse. Cela dit, chaque diocèse a ses règles internes (en plus des règles communes à l’Eglise).
« OK me direz-vous, c’est pas faux mais c’est très vague comme réponse ».
Je n’ai pas une vision de toutes les paroisses de France, mais je peux vous dire très librement ce qu’il en est dans la mienne. Je suis curé d’une paroisse semi-rurale (une ville de 15 000 hab, 21 autres communes autour pour un total de 50 000 habitants). Il y a 24 églises, 650 personnes à la messe chaque week-end, nous sommes 4 prêtres + 2 laïcs en pastorale (bientôt 3), 1 secrétaire à mi-temps et 1 cuisinière à mi-temps (qui cuisine aussi pour les prêtres retraités qui viennent à notre table 2 ou 3 fois par semaine). Le budget global de la paroisse est de 350 000€ annuel dont 20% viennent des quêtes dominicales et 30% du denier. Le denier est en baisse dans toute la France, parce que les moins de 60 ans n’ont pas la culture du denier de l’Eglise. Les plus âgés se souviennent de l’importance du denier parce qu’autrefois (du moins chez nous) le curé venait le chercher en faisant du porte-à-porte… mais 40 ans de faible communication sur les finances de l’Eglise (parce qu’en France on ne parle pas d’argent) ont fait s’effondrer le denier.
Dans le tournant de notre Eglise de France, nos paroisses ont deux solutions : mourir ou renaître. Les deux ont un coût financier, mais pas le même. Une paroisse qui meurt va devoir accompagner sa décroissance pour assurer jusqu’au bout sa mission, avec des distances qui s’allongent, tout en mutualisant (parce qu’on n’a pas le choix) mais le moins possible (pour continuer à faire comme avant). Une paroisse qui veut renaître va devoir investir… Hum… déjà dans une sono de bonne qualité (on ne peut pas annoncer l’évangile si personne n’entend rien)… avoir des locaux paroissiaux qui donnent envie de venir (vous vous souvenez de la salle paroissiale avec son ampoule qui pendouille dans le film « Qui a envie d’être aimé ? »), du personnel (bien sûr la plupart des paroissiens sont des bénévoles, mais un bénévolat à plein-temps ça ne remplit pas la marmite).
Là encore, il est utile de vous donner des chiffres un peu précis, tirés de mon expérience paroissiale. Nous avions depuis le covid une newsletter hebdomadaire envoyée à 800 exemplaires et qui était peu lue (nous sommes tous inondés de newsletter que nous ne lisons que peu). Nous l’avons remplacée par un journal paroissial mensuel papier (en noir et blanc) de 12 pages, avec à la fois de l’actualité, des mots croisés, du contenu théologique, de la spiritualité, le coup de cœur littéraire, un peu d’histoire du patrimoine, un texte du pape, etc. Un tirage mensuel de 1000 exemplaires (remis de la main à la main) nous coûte 500€ par an, auquel il faut ajouter les 4 500€ pour changer le photocopieur de la paroisse. Autre exemple, nous souhaitons pouvoir mettre à disposition des familles du caté des livres chrétiens pour enfants et pour parents (parce que la plupart des familles qui inscrivent leurs enfants au caté ne connaissent pas la littérature catho). Cela suppose un investissement de départ de la paroisse à hauteur de 3 ou 4000€ (une partie nous sera remboursée à mesure que les familles achèteront les ouvrages). Côté pastorale des jeunes, on nous a donné un certain nombre de vieux canapés et tables basses pour meubler l’aumônerie (merci !) mais on a dû acheter un billard et un babyfoot (c’est bizarre depuis le foyer des lycéens ne désemplit pas) et l’un comme l’autre se trouvent à 1000€ sur Le Bon Coin. Si le diocèse valide le projet nous allons faire une colocation d’étudiants au dernier étage de la maison paroissiale… cette fois c’est 150 000€ qu’il faut trouver.
Ce ne sont que quelques petits exemples qui permettent de voir qu’une paroisse qui veut évangéliser et lancer des projets ne peut le faire qu’avec le soutien financier des paroissiens (via la quête et le denier principalement). Bien sûr, il y a parfois du gâchis… ou des erreurs de jugement. Mais globalement si vous donnez à la quête c’est pour que votre paroisse ait les moyens de se lancer dans des projets. Sinon, elle mourra.
Pardonnez moi d’avoir été un peu long.
A la question que faut-il donner à la quête, je réponds avec St Paul. Donnez joyeusement, en faisant confiance que Dieu ne vous laissera pas tomber. Donnez un peu plus que le raisonnable, pour que cela vous coûte. Donnez à Dieu comme on donne à un ami, un bouquet de fleurs ou une bouteille.
Père Erwan de Kermenguy
(septembre 2023)
