Le mariage, c’est encore possible ?

Marie-Danièle et Dominique Colas

De nos jours, la question ne va pas de soi. Il existe pourtant des femmes et des hommes pour lesquels le mariage est l’aventure de toute une vie. C’est le cas de Marie Danièle et de Dominique : 45 ans de mariage et 35 ans d’adhésion aux Équipes Notre Dame, mouvement de spiritualité conjugale chrétienne. Ils nous partagent quelques réflexions sur leur vie de couple.

 

Marie-Danièle et Dominique
Marie-Danièle et Dominique

 

Lorsqu’on débute une vie de couple, les choses ont l’air tellement facile. Puis avec le temps, on risque de ne plus se supporter et finalement de se séparer. Il y a même un film dont le titre est « l’amour ne dure que 3 ans ». Qu’en pensez-vous ?

Avant de vous répondre, si nous avons accepté de témoigner, ce n’est certainement pas pour donner un exemple, nous n’avons rien d’exemplaires…. C’est juste pour dire : c’est possible et c’est « top » !
La vie de couple n’est pas toujours une partie de plaisir. La belle idylle, l’amour fou des romans à deux sous sont trompeurs.
Il faut penser qu’un couple, c’est la rencontre jusqu’à l’Union de deux personnes au sens plein du terme, chacune arrivant avec ses habitudes, sa culture, ses convictions… qu’il faut accorder à l’autre. Cela ne se fait pas sans mal !
La chose est même si difficile que le Talmud, grand livre de commentaires bibliques juifs, déclare : « L’Union de l’homme et de la femme est un miracle plus grand que le Passage de la Mer Rouge »… et quand on sait ce que représente pour un juif l’évènement fondateur du Passage de la Mer Rouge !

Tableau de Claire Yolaine Schmeltz
Tableau de Claire Yolaine Schmeltz   

 

Mais alors quels sont les moyens pour y parvenir ?

La première condition, c’est de le Vouloir ! Bien sûr, il y a l’Amour, encore que chacun ait son interprétation de ce grand mot. Mais l’Amour sans la Volonté de le vivre et de le réaliser n’est que fumée sans feu. Et c’est bien là le drame pour les couples qui se forment aujourd’hui : notre société du zapping leur donne à penser qu’il n’y a rien à vouloir… on reste ensemble tant que cela fonctionne, sinon on se quitte.
Non ! Pas un couple ne peut tenir une vie entière s’il ne le veut de toutes ses forces. Et chaque matin il faut re-vivre, re-poser cet acte qui est en même temps d’Amour et de Volonté : « Je t’aime et je veux t’aimer ».
C’est alors que pour le chrétien, le sacrement de mariage doit prendre toute sa réalité : c’est une boîte à trésors dans laquelle il faut puiser sans cesse grâce à la prière et à la méditation. Si nous sommes honnêtes, il n’y a pas de cas où un cœur à cœur avec Dieu ne nous « ravigote » pas, où nous restions arides et sans ressources face à notre pauvreté.

La deuxième condition est le Respect. D’abord tu es un Être Humain, et à ce titre déjà, je te respecte. Mais tu es aussi celle (celui) avec laquelle(lequel) j’ai choisi de partager ma vie. Partager, cela signifie que ma vie ne m’appartient plus en propre, que tu as droit sur ma vie ; l’orientation que je lui donne doit te correspondre. C’est en quoi je veux et te dois un Respect sans bornes car tu deviens une partie de moi-même. Et cela sans doute est encore plus vrai dans la vie sexuelle du couple où le respect est le prérequis nécessaire, à défaut d’être suffisant…

La troisième condition est que cet Amour soit bien décliné à tous les niveaux de notre relation. On dit souvent que notre langue française est pauvre sur le mot Amour : Je t’aime comme j’aime le fromage ! Pourtant l’amour s’établit à trois niveaux : utilisons pour cela la langue grecque qui a largement inspirée la nôtre.
Il y a d’abord « l’eros » : dans son encyclique «Deus Caritas est », le Pape Benoît XVI rappelait : « À l’amour entre homme et femme, qui ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais qui, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain, la Grèce antique avait donné le nom d’eros. ».
Cet « eros », c’est ce sentiment, cette force qui nous rapproche et qui fait qu’un jour, tu m’es apparu(e) tout autre. Il ne dépend donc pas de ma volonté. Il est la première marche de la construction du couple.
Mais il y a aussi le « philia », l’amitié. On ne peut être vraiment « couple » que si nous sommes les meilleurs amis du monde. J’ai toujours dit à Marie-Danièle qu’elle était ma meilleure amie, et qu’à ce titre, je compte sur elle : elle est de ce fait mon meilleur « conseiller » pour toutes mes décisions, et c’est réciproque.
Dès l’instant où nous partageons notre vie de couple « rien de ce qui se fait ne peut se faire sans elle » pour plagier le prologue de l’évangile de Jean.
Et puis il y a « l’agape », l’amour oblatif. L’amour qui me fait considérer l’épanouissement de mon conjoint plus important que mon épanouissement propre…
Pour l’illustrer, je me permettrai juste une anecdote de notre vie de couple. Un peu avant la cinquantaine, j’ai pu réaliser un de mes rêves : faire des études de théologie… Mais j’étais encore en pleine activité professionnelle ! Ce qui fait que très vite, du fait de mes absences encore plus nombreuses, mon irascibilité quand je préparais des examens, mon indisponibilité d’esprit, Marie-Danièle a pris la théologie en grippe, et m’en voulait profondément de m’être lancé dans cette « aventure »… De ce fait, indirectement, c’était Dieu qui nous séparait ! Jusqu’à ce qu’enfin je comprenne que mon chemin vers Dieu passait nécessairement par Marie-Danièle, et que notre amour, notre « bonne entente » étaient premiers par rapport à la réalisation de mon rêve. Nous avons dialogué (dans les Equipes Notre Dame, cela s’appelle un « devoir de s’asseoir ») et trouvé un compromis : j’ai réduit, sans les arrêter mes cours de théologie, et après un premier diplôme, j’ai cessé de passer les examens… et depuis, avec Marie Danièle, nous avons fondé une association d’initiation à la théologie qui fonctionne à merveille.
Alors, après avoir annoncé trois conditions, il me faut y ajouter la dernière, mais c’est celle qui permet toutes les autres : le dialogue, l’échange, la discussion… sur tout et sur rien. Rien ne doit être conservé par devers soi (sauf éventuellement ce qui pourrait blesser l’autre) : quand une joie est vécue, il faut la partager, ainsi, quand ce sera une difficulté, nous saurons aussi la partager.

 

Le mariage, qu’est-ce que cela « rapporte » ?

TOUT ! Le bonheur d’un bonheur partagé. Un équilibre personnel et familial. Et une Société plus stable, si l’on considère que la Famille est la cellule de base de la Société, ne fut-ce que parce qu’elle est le creuset de l’éducation des enfants.

 

Mais alors, les familles éclatées, recomposées… ?

Nous ne pouvons pas en parler, n’en ayant pas l’expérience. Mais quoi qu’on en prétende, toute séparation amène sur le plan moral des souffrances et sur le plan pratique des difficultés de tous ordres, et en particulier relationnelles. Se séparer n’est pas non plus une partie de plaisir !
Et puis, malgré le nombre croissant de séparations de couples,  nous croyons fondamentalement à la profonde sincérité de tous ces jeunes couples qui ont encore le « courage » de se marier et qui se promettent publiquement fidélité, mais qui vivent dans une Société où la Fidélité est une valeur dépassée, où, de fait, on a institué le « M.D.D » (« mariage pour une durée déterminée »).

 

Comment, dans la tourmente de la vie de couple que nous évoquions dans le premier point, vont-ils trouver les ressources nécessaires à réaliser ce « miracle plus grand que le Passage de la Mer Rouge » ?

Notre témoignage n’est certainement pas exemplaire. Mais veut dire : c’est vrai, ça existe et ça vaut la peine d’être vécu ! Si malgré tout, les difficultés l’emportent et que  le couple se déchire, que chacun soit bien convaincu que rien n’est jamais perdu et que l’expérience d’un échec fait toujours grandir…

 

Pour en savoir plus

Découvrez d'autres articles :