L’Evangile selon Luc

Le thème central de l’évangile selon Luc est l’œuvre et la personne de Jésus-Christ, tout comme dans chacun des autres évangiles.
Mais Jésus n’a rien écrit lui-même et il a laissé le soin à ses disciples de transmettre son message. Et s’il y a quatre évangiles, c’est que chacun d’eux a sa visée propre, en particulier relativement aux destinataires de son évangile (des païens de culture grecque convertis au christianisme dans le cas de Luc).

De fait, Luc adopte un plan qui, dans ses grandes lignes, est commun aux trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), Matthieu et Luc s’étant inspirés de Marc :

–    Baptême et tentation de Jésus,

–    la prédication de Jésus en Galilée (et constitution de son « équipe »),

–    la Transfiguration,

–  puis sa montée à Jérusalem (qui, chez Luc, prend une importance particulière puisqu’il y consacre une dizaine de chapitres : 9, 51 – 19, 27)

–    où s’accomplira sa mission par la Passion et la Résurrection.

Pourtant, Luc, et il est le seul évangéliste dans ce cas, commence son livre par une dédicace à un certain Théophile, qu’on ne connaît pas par ailleurs, en lui précisant qu’il s’est soigneusement informé « de tout à partir des origines » (1, 3) auprès de « témoins oculaires qui sont devenus serviteurs de la parole » (1, 2). Cela signifie qu’il a un message particulier à délivrer. Ainsi Luc veut situer Jésus en tant qu’homme : il raconte de façon détaillée les naissances de Jean Baptiste et Jésus, en les mettant bien en parallèle :

Jean Baptiste                                                                         Jésus

Annonciation à Zacharie (1, 5-25)                                       Annonciation à Marie (1, 26-38)

Visitation de Marie à Elisabeth (1, 39-56)

Naissance de Jean Baptiste (1, 57-58)                             Naissance de Jésus (2, 1-20)
et visite des voisins                                                                  et visite des bergers
Circoncision (1, 59-66)                                                          Circoncision, présentation au Temple (2, 21-24)
Prophétie de Zacharie (1, 67-79)                                         Prophéties de Syméon et Anne (2, 33-38)
Vie cachée de Jean Baptiste (1, 80)                                    Vie cachée de Jésus (2, 39-40)

 

Par ailleurs, le récit du voyage de Jésus à travers la Samarie jusqu’à Jérusalem (9, 51 – 19, 27), contient des éléments sans équivalent ni dans l’Évangile selon saint Marc ni dans l’Évangile selon saint Matthieu. C’est essentiellement cette partie provenant d’une autre source propre à Luc (ainsi qu’il l’indique dans son prologue), qui confère à l’Évangile sa spécificité.

Cette partie relate :

•    l’envoi et le retour des 70 disciples (10, 1-20),
•    l’épisode concernant Marthe et Marie (10, 38-42),
•    celui du riche collecteur d’impôts Zachée (19, 1-10),
•    les paraboles du Bon Samaritain (10, 29-37),
•    de la drachme perdue (15, 1-10),
•    du fils prodigue (15, 11-32),
•    et du riche et Lazare (16, 19-31).
•    On trouve également une version plus courte du « Notre Père ».

Dans ses récits du ministère de Jésus à Jérusalem (19, 28 – 21, 38), de la passion et de la résurrection (22, 1 – 24, 53), Luc puise à nouveau dans l’Évangile selon Marc.

Luc ajoute toutefois au récit de Marc les dernières paroles de Jésus à ses disciples (22, 21-38), ses paroles sur le chemin du calvaire (23, 28-31), les paroles des deux malfaiteurs crucifiés (23, 39-43), les apparitions du Christ sur la route d’Emmaüs et à Jérusalem (24, 13-49) et enfin l’Ascension de Jésus (24, 50-53).

 

Accéder au texte de la Bible

 

Sens de l’évangile de Luc

S’il fallait, d’un trait, caractériser l’évangile de Luc, nous pourrions dire qu’il est l’évangile du salut. »]Bien sûr, c’est le but de tous les évangiles de nous annoncer, au travers des actes et des paroles de Jésus, la bonne nouvelle du salut. Mais Luc y met un soin particulier que nous pouvons résumer comme suit :

– Ancrage dans l’Ancien Testament :
Récit en parallèle de la naissance de Jean Baptiste (prophète de l’Ancien Testament)et de Jésus (« plus fort » que Jean Baptiste  3, 16), celui qui vient accomplir en le récapitulant tout ce qu’ont dit les Écrits et les prophètes dans l’A.T.  Du reste, la mission de Jésus s’ouvre sur une annonce de salut dans Esaïe (61, 1-2) que Jésus conclut par ces mots: « Aujourd’hui cette écriture est accomplie » (4, 21).
De même, à la fin de l’évangile (24, 13-35), avec les disciples d’Emmaüs, Jésus, «commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait» (24, 27). Et alors, il leur reprocha de ne pas avoir compris qu’il fallait bien que « le Christ endura ces souffrances pour entrer dans sa gloire » (24, 26) et ainsi assurer le salut.  Luc est le seul à rapporter cet épisode.

– Paraboles de la miséricorde :
Le salut passe par la miséricorde: de Dieu, mais aussi des hommes. Luc est le peintre de la bonté et de la douceur, même s’il sait, quand il le faut, faire de sévères reproches à ceux qui ne vivent pas selon l’enseignement de Jésus (6, 24-26). Cette miséricorde, il l’exprime particulièrement dans les paraboles du chapitre 15 : la brebis retrouvée, la pièce retrouvée et celle des deux fils (souvent appelée  « le fils prodigue ») qu’il est le seul à raconter.

– Universalité du salut :
Luc, plongé dans le milieu païen, insiste sur l’universalité du salut, plus, sans doute que ses condisciples. Chez lui, le salut est naturellement universel : il ne reprend pas dans son évangile l’épisode de la « syrophénicienne » qui se défend auprès de Jésus pour gagner la guérison de sa fille (Mt 15, 21-28 et Mc 7, 24-30). Au contraire, il raconte la parabole dite « du Bon Samaritain » (10, 30-37)  et l’épisode de la rencontre avec Zachée (19, 1-10), éléments qu’il est le seul à porter dans son évangile.

Importance de l’Esprit Saint :
Luc met en exergue l’action de l’Esprit Saint dans la réalisation du salut. Cela se perçoit dès le début de son évangile, pour Jean Baptiste (1, 15), mais aussi pour Jésus par l’Annonce faite à Marie (1, 35). Par la suite, et jusqu’au début des Actes des Apôtres,  Luc ne mentionnera la présence de l’Esprit que sur Jésus seul, et ce, dès le départ de sa mission (4, 1.14).

Jérusalem :
Luc commence et termine son évangile à Jérusalem (alors que dans les autres évangiles, les apparitions après la résurrection ont lieu en Galilée), car c’est pour lui la ville sainte où doit s’accomplir le salut et d’où partira la propagation de la bonne nouvelle aux nations.

On ne peut pas terminer ces réflexions sur le contenu de l’évangile de Luc sans évoquer la grande reconnaissance dont la tradition a témoigné au fil des siècles vis à vis de cet évangile. Elle se manifeste par le nombre et la qualité des hymnes chrétiens directement issus de Luc, et qui marquent un accomplissement de l’Ancien Testament dans le Nouveau:

– les paroles de l’ange à Marie sont devenues l’Ave Maria,
– la réponse de Marie : le Magnificat,
– le cantique de Zacharie (père de Jean Baptiste), le Benedictus,
– le chant des anges à la naissance de Jésus : Gloria in excelsis,
– et le cantique du vieux Syméon lors de la présentation de Jésus au Temple est devenu le Nunc Dimitis.

Toutes ces prières, traduites en français, forment encore aujourd’hui l’ossature de la «prière des heures», ces offices qui scandent la journée du chrétien priant.

 

 

 

Les personnages principaux de l’évangile de Luc

Au centre de l’évangile se situe Jésus Christ. Comme il est dit ci dessus, le Jésus de Luc est celui du salut qui passe par la miséricorde. « ]Ainsi Jésus est-il :

« très humain » : c’est Luc qui insiste le plus sur « l’évangile de l’enfance », mais davantage vu du côté de Marie, la mère de Jésus et en parallèle avec Jean Baptiste.

priant: bien sûr, il y a le « Notre Père », repris de Matthieu, mais Luc cite des prières de Jésus qu’on ne trouve pas ailleurs : lors du baptême (3, 21), avant de choisir ses disciples (6, 12), lors de la confession de Pierre (9, 18), lors de la Transfiguration (9, 28),  … jusque sur la croix (23, 34)….

rempli de l’Esprit Saint, plus encore que chez les autres évangélistes synoptiques (4, 1.14; 10, 21; 11, 13)

– très orienté vers les petits, les exclus et les pauvres : si le jeune homme riche est rapporté par les trois synoptiques, Luc insiste sur le risque que génère les richesses (malédiction en 6, 24; homme riche insensé en 12, 16s ; le mauvais riche et Lazare en 16, 19 s ; Zachée le publicain en 19, 1s.)

attentif aux femmes, qui, à l’époque, ne sont pas civilement reconnues (évangile de l’enfance (1, 5 – 2, 52); Marthe et Marie (10, 38-42)

N’oublions pas, en outre, que l’évangile de Luc représente le « premier tome » de l’œuvre de Luc qui se prolonge dans les Actes des Apôtres.
Luc montre d’ailleurs fort bien cette continuité en terminant son évangile par l’Ascension de Jésus qu’il reprend de façon plus développée au début des Actes (1, 6-11).

 

 

 

Histoire de la rédaction de l’évangile de Luc

L’auteur et l’histoire de la rédaction de l’évangile de Luc.

 

1. Qui est l’auteur de l’évangile selon Luc ?

Par sa langue, son style, sa mentalité, Luc appartient au monde hellénistique. Il s’adresse à des païens convertis du monde grec. C’est un homme lettré, cultivé qui, dès le prologue de son œuvre, indique qu’il s’est informé exactement « de tout depuis les origines » pour que son destinataire, Théophile, « se rende bien compte de la sûreté des enseignements qu’il a reçus ».
Luc a été le compagnon de Paul, dont il raconte abondamment les missions et voyages dans les Actes des Apôtres, ce qui lui permet, parfois, d’utiliser le « nous » (Ac 16, 10-17 ; 20,5 – 21,18 ; 27,1 – 28,16).

Il était probablement médecin (Col 4, 14).
Une légende du VIII e siècle fait de Luc le premier peintre de la Vierge.
Il est habituellement symbolisé par un taureau (cf rubrique « Art » ci-dessous).

Luc est le patron :

– des peintres
– des médecins
– des chirurgiens
– des relieurs, peut-être en raison du bœuf qui lui sert d’attribut.

 

2. Histoire de la rédaction de l’évangile selon Luc

Il semble que Luc ait connu le siège et la ruine de Jérusalem par les légions de Titus en l’an 70 de notre ère. L’évangile doit donc être postérieur à cette date, probablement autour des années 80, écrit pour des milieux grecs de Syrie. Pourtant certains prétendent qu’à la date où a été rédigé l’évangile de Luc, les martyres de Pierre et Paul, qui datent de 62 – 63 n’avaient pas encore eu lieu.

Comme tous les évangélistes, Luc utilise des sources : l’évangile de Marc, premier synoptique rédigé par écrit, qu’il suit dans sa trame, mais auquel il ajoute des compléments. L’ajout le plus important est celui de 9, 51 à 18, 14 pour lequel Luc puise à des recueils de Logia (cf ci-dessous),  à Matthieu, mais aussi à ses sources personnelles… peut-être même jusqu’à la Vierge Marie elle-même… ? Le schéma suivant, emprunté à Wikipédia (« Théorie des sources »), résume bien les rapports entre les trois synoptiques :

 

 

L’évangile de Marc, écrit en premier, a servi de source à Matthieu et Luc. Mais il existe de telles similitudes entre Matthieu et Luc qu’on ne retrouve pas dans Marc (« double tradition » sur le schéma ci-joint), à tel point que les exégètes ont été conduits à penser qu’il existait une autre source , propre à ces deux évangélistes, dénommée Q (pour Quelle=source en allemand), ou encore Logia (paroles du Christ).

 

 

 

L’art et l’évangile de Luc : les peintures et sculptures représentant l’évangile de Luc

 

Le tétramorphe
Icône anonyme du XVIème siècle

 

Le tétramorphe, ou les « quatre vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d’Ezéchiel (Ez 1 ; 1-14). Leur origine remonte à la nuit des temps et on les retrouve dans diverses civilisations de l’Antiquité avant de les retrouver dans la Bible avec Ézéchiel d’abord puis avec saint Jean dans l’Apocalypse (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l’Église en ont fait l’emblème des quatre Évangélistes : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l’homme pour Matthieu et l’aigle pour Jean. Ils accompagnent souvent les représentations du Christ en majesté.

•  L’homme est Matthieu : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus.

•  Le lion est Marc : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert (« un cri surgit dans le désert »).

• Le taureau est Luc : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le taureau est signe de sacrifice.

•  L’aigle est Jean : son évangile commence par le mystère céleste.

 

Luc écrivant son évangile

Base nationale du ministère de la culture – Saint Luc écrivant et son symbole – Miniature pleine page au début de l’évangile de Luc.

 

 

 

La littérature et l’évangile de Luc : la littérature relative à l’évangile de Luc

Cahiers Évangile n°5 « Pour lire l’Evangile selon saint Luc », Cerf, 2003

 

 

 

Le cinéma et l’évangile de Luc : les films faisant référence à l’évangile de Luc

 

Jésus de Montréal, de Denys Arcand, 1989

Évangile selon saint Matthieu, de Pier Paolo Pasolini, 1964

Le Roi des rois, de Nicholas Ray, 1961

La plus grande histoire jamais contée, de George Stevens, 1965

Godspell, de David Greene, 1973

 

 

 

Pour aller plus loin dans l’évangile de Luc

Rappel : les « évangiles » se composent de 4 livres d’auteurs différents (Matthieu, Marc, Luc, Jean), chaque livre étant destiné à une communauté différente. Les trois premiers (Matthieu, Marc et Luc) sont dits « synoptiques » (=qui peuvent être lus en parallèle) car ils présentent de grandes similitudes, bien qu’ils soient différents les uns des autres. Le quatrième (Jean), plus tardif, est plus symbolique et ne présente pas le même plan d’ensemble que les trois premiers.
Signalons dès à présent la particularité de l’œuvre de Luc. Un autre livre lui est attribué : les Actes des Apôtres, qui forment une suite au récit évangélique. L’évangile présente Jésus alors que les Actes racontent la naissance de l’Eglise, principalement à travers l’histoire de Paul, curieusement sans faire référence explicite à l’un des évangiles…

 

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